Comprendre> Les femmes et la République en France - La République au féminin
 
 

De l'Empire à la Deuxième République : les blocages du Code Napoléon

 
Institutionnalisation de l'infériorité de la femme
 
Le Code Civil ou Code Napoléon

On ne pouvait guère espérer de Napoléon un progrès sur le terrain de l'égalité quand on sait que celui ci avait dit à la veuve de Condorcet :

" je n'apprécie pas les femmes qui se mêlent de politique "

Le règne de Napoléon a été une parenthèse à la fois sanglante et glorieuse entre le Révolution et la Restauration dite bourgeoise. Il laisse une œuvre qui lui a survécu : le Code civil (1804), appelé en 1807 Code Napoléon.

Globalement réactionnaire, ce code donne aux femmes un statut discriminatoire et régit de façon inégalitaire les relations entre les sexes. Ainsi, à la question " qu'est ce que la femme ", la réponse apportée est claire : un être de second rang si elle n'est pas mariée, un être mineur et incapable si elle est mariée. Nuls droits politiques ou civils ne lui sont accordés. Ce code institutionnalisait en droit l'infériorité de la femme.
Cependant, l'égalité demeurait totale face à l'impôt et à la prison. Ainsi, les femmes n'avaient que des devoirs (voir caricature datant des années 1910-1920)

 

N.B. : Le XIXème siècle procéda à de minimes retouches avec, par exemple, une loi de 1880 permettant aux femmes d'ouvrir un livret de Caisse d'Epargne . Mais ce n'est qu'en 1910 que les femmes purent retirer leur argent sans autorisation de leur mari.
Il faut savoir que le statut des femmes sera révisé très lentement par le législateur et l'égalité civile complète ne sera instituée dans les textes qu'en 1985 !
 
 
 
Loin du suffrage universel : la Restauration
 

Louis XVIIILa Restauration est marquée par une prodigieuse reprise en main du clergé . La religion, le trône, la nation, la famille sont les valeurs dominantes de ce nouveau régime conservateur, attentif à la protection de ses intérêts et de l'ordre établi. Voter n'est plus un droit mais un devoir , comme le soulignait Thiers : " on est électeur pour l'utilité du pays ". Ainsi, pendant toute la première moitié du XIXème siècle, le loi électorale élargit ou restreint le nombre des électeurs en fonction des besoins.

Un autre débat se superpose à celui de l'ampleur du corps électoral : les élections devaient-elles être directes, chaque vote contribuant au choix de l'élu, ou indirectes, le vote de la base servant à sélectionner des grands électeurs choisissant ensuite des élus ? Dans un premier temps, le système indirect est dénoncé comme un artifice, une méthode mensongère. Benjamin Constant se fait l'avocat de l'élection directe. Au sein de ce débat, le droit de vote féminin n'est quasiment jamais abordé.

Saint Simon

Pourtant, des hommes continuent de se battre pour l'émancipation civile des femmes, tels les saint-simoniens. Mort en 1825, le comte Saint Simon laisse derrière lui de généreux principes : la fin des antagonismes sociaux grâce à l'association universelle. Pour l'harmonie sociale, les Saint-simoniens prônent l'égalité des sexes. Prosper Enfantin, zélé disciple de Saint Simon, dit ainsi

c'est par l'affranchissement complet des femmes que sera signalée l'ère Saint Simonienne "

Pour libérer la femme, les Saint Simoniens procèdent à une critique virulente du mariage, songeant même à imposer le célibat à leurs membres.

Prosper Enfantin
 
 
 
Révolution industrielle : émergence du prolétariat, rejet du féminisme par les socialistes
 

Atelier de criblage du charbon vers 1860 - Musée des Arts et  MétiersAprès l'Angleterre, la France entre à son tour dans la Révolution industrielle et voit naître une réalité nouvelle : le prolétariat. Le prolétaire est celui qui ne possède aucune propriété. Il n'y a point de patrie pour quiconque n'a aucun lien qui l'attache au sol qu'il habite. Or selon l'Encyclopédie de Diderot, la citoyenneté c'est la propriété ; le prolétaire n'est pas citoyen puisqu'il n'est pas propriétaire.

A partir de 1848, un grand mouvement démocratique voit le jour, et la revendication politique du suffrage universel est absorbée dans les revendications d'intégration sociale. Cette situation donna naissance au clivage qui traversa longuement et profondément le mouvement féministe entre celles qui entendaient participer avec les hommes au combat social et celles qui entendaient garder la spécificité de la revendication féministe.

La grande majorité des socialistes de l'époque rejetait le mouvement féministe. Proudhon, ardant avocat de l'égalité sociale et inventeur de l'adage " la propriété, c'est le vol ", consacra sa vie avec violence à la condition ouvrière, mais il fut également l'un des plus virulents détracteurs du féminisme. La condition ouvrière était, selon lui, menacée par l'apparition d'une main d'œuvre ouvrière féminine à bon marché :

Proudhon" L'humanité ne doit aux femmes aucune idée morale, politique, philosophique […]. L'homme invente, perfectionne, travaille, produit et nourrit la femme. Celle-ci n'a même pas inventé son fuseau et sa quenouille ".
 
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