Comprendre> Les laïcités dans le monde (Dossier Octobre 2005)
 
 

L’Inde

Le paysage religieux indien est très varié. En 2001, les religions se répartissaient de la façon suivante pour une population totale de plus de 1 milliards d’habitants : l’Hindouisme était pratiqué par 80,5% de la population indienne, l’Islam par 13,4% , le Christianisme par 2,3%, le Sikhisme par 1,9%, le Bouddhisme par 0,8% et enfin le Jaïnisme par 0,4%. Efin, les autres religions représentaient 0,7% de cette population.

L’Inde ne connaît pas le terme de « laïcité » mais connaît le terme de « secularism », qui peut apparaître comme la traduction indienne de notre laïcité. La Constitution indienne de 1948 pose l’« interdiction de tout signe, marque, nom ou vêtement indiquant une religion ». Le terme « secularism » ne fait son apparition dans le texte constitutionnel qu’en 1976, même si l’Inde se définit dès l’origine comme une « secular Republic », qui porte un respect égal à toutes les religions ». La Cour Suprême constate dès 1974 que le secularism correspond plus à un « aider à vivre » qu’à un « laisser vivre ».

Origines et signification du secularism indien

En 1948 naît l’idée de la construction d’une nation unifiée, où la loyauté des citoyens envers l’État supplante l’allégeance traditionnelle à la «  community » et où les minorités religieuses sont protégées. De cette façon musulmans, chrétiens, sikhs, bouddhistes et jains ont le droit de maintenir des écoles confessionnelles subventionnées ou de faire du prosélytisme.

Le concept de « secularism » est à rapprocher de celui posé par le 1er amendement de la constitution américaine, qui garantit le « libre exercice » de toute religion. Cependant ce « secularism » n’a jamais été simple à appliquer. Par exemple dès les années 50, il existait un projet de « uniform civil code » (code civil unique). Cependant, ce genre de projet posait problème par rapport au « secularism » qui veut protéger les minorités religieuses. En effet, le projet de « uniform civil code » allait contre les exigences de la religion musulmane car pour les musulmans, une grande partie du droit est directement issue de la shari’a. Aujourd’hui en 2005, une grande partie du droit des personnes en Inde obéit aux coutumes et traditions écrites des diverses religions, et donc chez les musulmans à la shari’a.

Inde et Islam

Puisque la religion musulmane semble avoir pu freiner, à un moment donné, les avancées qui auraient pu être réalisées grâce au secularism, il peut être intéressant d’étudier brièvement la situation de l’islam en Inde. L’islam est une religion qui suscite au niveau politique un certain nombre de questions puisque cette religion comprend en quelque sorte son propre système juridique et politique.

Pour étudier ceci, il s'agit de distinguer deux choses, à savoir d’une part l’islamisation politique de l’Inde et d’autre part l’islamisation de la société indienne.

L’islamisation politique de l’Inde est facilement évaluable et explicable par les conquêtes. Elle a été, jusqu'à l'arrivée des britanniques, une relative réussite puisque les dynasties musulmanes ont occupé depuis le 12ème siècle, une position hégémonique. Aujourd'hui, avec le « secularism », l'islamisation politique connaît un recul en Inde même si des tensions naissent du fait, entre autre, des privilèges excessifs accordés aux communautés musulmanes ( privilèges juridiques notamment, à cause de la sharia).

L'islamisation de la société ou "islamisation civile"est quant à elle beaucoup plus difficilement évaluable. On est face semble t-il à un véritable échec de cette islamisation. 80% des habitants de l'Inde sont de confession hindou et ce, depuis longtemps. Alors même que les dynasties musulmanes étaient en place, la société était hindou. 15% des indiens sont de confession musulmane, 30% si l'on considère l'ensemble du sous-continent indien, qui va au-delà de l’Etat indien proprement dit.

On se rend compte cependant que la part de la population musulmane augmente régulièrement, malgré la partition, qui a ôté à l'Inde ses parties les plus musulmanes, à savoir le Pakistan et ce qui est devenu le Bangladesh. Est-ce à dire que l'islamisation de la société est en progrès ? Oui et non, d’après nos sources. En Inde, il semble que ce soit les plus basses couches sociales qui aujourd'hui se tournent vers l'islam, pour échapper au système des castes : elles sont donc attirées par le pseudo-égalitarisme de l'islam. Ce sont aussi ces basses couches sociales qui ont le taux de fécondité le plus élevé. Au regard du taux de fécondité des diverses populations, la population musulmane connaît donc une certaine croissance.

On peut aussi se demander pourquoi l'islamisation de la société n'est t-elle pas plus vive (et n’a-t-elle pas été plus vive), et ce dès le 12ème siècle ? Une des raisons réside sans doute dans l'absence de prosélytisme, jusqu'à l'époque coloniale. Les basses castes, qui aujourd'hui sont attirées par l'islam, ne faisaient pas parties des convertis à l'époque, faute de contact suffisant avec les musulmans. Ceux qui finalement se convertissaient étaient les marchands, en contact régulier avec d’autres marchands de confession musulmane.

Le secularism aujourd’hui

Depuis la fin des années 80, le « secularism » indien est remis en cause et ce pour, entre autre, deux raisons. D’une part, le rapport à l’État ne se comprend pas sans les pratiques religieuses puisque ce sont ces pratiques religieuses qui structurent entièrement le corps social. D’autre part, il y a de fait, un excès de privilèges pour les musulmans et les chrétiens.

 
 
Dossier établi par Mademoiselle Aurore RUBIO, étudiante en troisième cycle de Droit et d'Histoire.